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Dangers des écrans, jeux vidéos : l’appel de Serge Tisseron aux collectivités

L’association 3-6-9-12 « Apprivoiser les écrans et grandir », présidée par Serge Tisseron, a lancé le 11 février une nouvelle campagne d’affichage. L’occasion pour le psychiatre et docteur en psychologie de lancer un appel en direction des collectivités locales.

La question de la dépendance des jeunes aux jeux vidéo et, plus largement aux écrans, préoccupe de plus en plus les collectivités. Mais doit-on parler d’addiction ou de trouble ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a confirmé en 2019 l’existence d’un « gaming disorder », que l’on traduit par « trouble du jeu vidéo ». Ce trouble n’est qualifié « d’addiction » que lorsque ce trouble conduit à une déscolarisation et une désocialisation complète depuis plus de 12 mois, autrement dit quand la personne reste confinée chez elle et qu’elle a arrêté toutes les activités qui ne sont pas en lien avec les jeux vidéo. L’OMS précise que cette addiction est « comportementale » : cela veut dire que, contrairement à l’addiction à une drogue, on peut s’arrêter sans syndrome de sevrage et sans risque de rechute. Mieux vaut donc bannir le mot « addiction » de notre vocabulaire. Cela ne veut pas pour autant dire que cela ne peut pas être grave.

Quels sont les dangers des écrans ?

Les écrans proposent des produits aussi attractifs pour notre cerveau que les barres chocolatées et les sodas pour notre palais ! Plus les enfants passent de temps devant les écrans et moins ils en ont pour des activités interactives et d’autres expériences cognitives sociales fondamentales. Les enfants ayant grandi avec les écrans sont globalement moins autonomes, moins persévérants et moins habiles socialement. Il existe en outre des contenus préoccupants.

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Que préconisez-vous ?

La campagne de prévention, la campagne «3-6-9-12 » est basée sur trois principes éducatifs : l’alternance (cadrer pour encourager les activités avec et sans écrans), l’accompagnement (parler avec l’enfant de ce qu’il fait et voit sur les écrans) et l’apprentissage de l’autonomie (encourager l’autorégulation en favorisant l’attente). Il en découle quatre conseils valables à tout âge : choisir ensemble des programmes de qualité, limiter le temps d’écrans, parler avec l’enfant de ce qu’il fait et voit sur les écrans et encourager ses pratiques de créations, avec ou sans écrans.

Tout dépend aussi de l’âge…

La consommation des contenus numériques doit en outre être adaptée en fonction de l’âge de l’enfant et de son niveau de développement psychomoteur. C’est le principe des « balises 3-6-9-12 ». Avant 3 ans : Ne laissons jamais un enfant dans une pièce où un écran est allumé. De 3 à 6 ans : Les écrans doivent être dans une pièce commune, et limités à 1/2H à 3 ans à 1H maximum à 6 ans. Et n’utilisons jamais les outils numériques pendant les repas, pour calmer l’enfant, ou pour le récompenser. De 6 à 9 ans : Invitons l’enfant à créer : photographie numérique, Scratch, logiciels de Stop Movie…. De 9 à 12 ans : Encourageons l’enfant à gérer son temps d’écran distractif avec un « carnet du temps d’écran ». Et expliquons-lui les pièges d’Internet. Et après 12 ans : Restons disponibles car nos enfants ont encore besoin de nous.

Quelles politiques sont aujourd’hui mises en œuvre par l’Etat ?

L’Etat ne fait rien. A l’association «3-6-9-12 », nous poussons le gouvernement à légiférer dans trois domaines majeurs de prévention. Tout d’abord, il faudrait inscrire sur toutes les affiches publicitaires pour des produits numériques : « Jouez, bougez, parlez avec votre enfant, L’abus d’écran nuit à son développement ». De la même façon, écrire sur tous les emballages des produits numériques : « Déconseillé aux enfants de moins de 3 ans : Peut nuire au développement psychomoteur et affectif ». Et enfin, écrire sur les emballages de smartphone : « Votre enfant a besoin de votre regard : ne mettez pas un écran entre lui et vous ». Or, pour l’instant, ces préconisations sont restés sans suite.

Les collectivités ont-elles un rôle à jouer ?

Bien sûr ! Elles doivent s’emparer de cette question. Aujourd’hui, la plupart se contentent de faire, de temps en temps, une campagne de prévention, via une conférence, un atelier… C’est bien, mais cela ne suffit pas. Il faut systématiser ces campagnes pour encourager les parents à donner le bon exemple. Les parents ont un rôle essentiel à jouer, aussi bien en tant qu’autorité éducatrice que comme modèle d’imitation. Les professionnels qui accueillent les parents doivent s’imposer de le leur rappeler à chaque entretien. Il faut aussi systématiser les interventions dans les écoles. La prévention est essentielle.

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A vous entendre, cela passe avant tout par des conférences et des campagnes d’affichage…

Pas seulement ! Il faut engager au niveau des collectivités locales un vaste plan de formation des éducateurs qui interviennent en maternelles et élémentaire. Aujourd’hui, beaucoup d’enfants, dans les crèches et à la pause méridienne en maternelle et élémentaire, se retrouvent devant un écran … C’est dramatique. Sans compter que les programmes proposés ne sont pas toujours de qualité. Il faut former les éducateurs à la maîtrise des écrans et créer des banques de films, de jeux, courts, pédagogiques, intelligents dans lesquelles les éducateurs pourraient piocher.

Toutes les études le montrent : ce sont les enfants, les adolescents des milieux les moins favorisés qui sont le plus touchés. Que peuvent faire les collectivités ?

Elles doivent mener une véritable politique de la ville en direction des plus déshérités. Il ne suffit pas de se dédouaner en disant aux parents : proposez une activité, du tennis, de la musique, ou autre, à votre enfant pour qu’il passe moins de temps devant les écrans. Encore faut-il que les parents aient le moyen de financer ces activités. C’est aux collectivités de créer des parcs, des squares, des skate-parks… C’est à elles de proposer des activités gratuites ou accessibles à tous. C’est cela aussi, la prévention.

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