

La continuité pédagogique vue par E&D
La crise violente que le coronavirus a créé en France et dans le monde entier a mis en lumière, par un effet de loupe, les interactions très fortes entre économie, éducation et santé.
Nos certitudes ont été balayées, nos habitudes, nos actions pour lesquelles nous ne prenions plus le temps d‘interroger le sens ont basculé. Les manques de l’état, mais aussi de la société toute entière et donc de nous-mêmes sont apparus à nos propres yeux. La continuité de nos vies s’est soudain dissoute au travers d’un évènement auquel notre Histoire (avec sa grande H aurait dit Pérec) ne nous avait en aucun cas préparé.
Mais parce que nous avons pu pendant de longues semaines nous recentrer sur nous-mêmes,
parce que les institutions ont dépassé leur sidération initiale et se sont engagées dans de possibles adaptations,parce que les enseignants, mis devant une situation inenvisageable et insolite, ont su, dans leur majorité, faire preuve d’inventivité et d’imagination pour recréer du lien et de l’apprentissage, nous savons que cette expérience terrible nous a changé et a changé notre rapport à l’autre et au monde, irrémédiablement.
La notion de solidarité a pris une dimension considérable, revendiquée par l’ensemble de la population.
Le numérique est devenu un liant, les réseaux sociaux sont devenus de vrais réseaux qui font société, les classes inversées se sont développées en quelques semaines bien plus vite que ces dernières années, les capsules, les videos ont mis en lumière des enseignants, véritables vedettes de Youtube en quelques jours…
Parallèlement, le rapport entre enseignants, CPE ou direction et élèves se sont individualisés : les mails, les entretiens téléphoniques ont fait flores, revendiqués par les élèves, les familles et les enseignants eux-mêmes souvent. Un peu comme si la « distanciation sociale », le confinement imposés avaient, en contrepartie, abaissé les barrières sociales et institutionnelles.
Evidemment, cela ne peut s’inscrire dans la durée et cela, en aucun cas, ne peut tenir lieu de lien éducatif. D’ailleurs, ces liens virtuels n’existent vraiment que lorsqu’ils étaient installés, préalablement dans la « vraie » vie.
L’enfant, et tout autant l’adolescent, ont besoin de liens sociaux forts pas seulement avec les adultes mais aussi avec leurs pairs, ils ont parfois besoin que ceux-ci leur soient imposés pour ne pas sombrer dans une solitude mélancolique.
C’est pourquoi tous attendent le déconfinement. La date du 11 mai comme démarrage a créé un véritable espoir en même temps qu’un certain stress et de ce fait, le recul pour la reprise des collèges et des lycées, un nouveau désarroi.
Mais ce ne sera qu’une étape, plus ou moins rapprochée, vers un processus qu’il nous faudra inventer et ancrer dans la durée : la rentrée de septembre nous le rappellera.
Le service public d’éducation doit faire face à ce challenge d’un nouvel ordre, en accepter les incertitudes pour mieux y préparer tous les enfants et adolescents, que ce soit sur un plan moral, affectif, technologique ou intellectuel. L’enjeu est d’envergure ; il mobilisera l’Education nationale certes mais aussi ses partenaires de l’Education populaire et avec eux toutes les ressources des territoires. A Nation apprenante je préfère territoires apprenants.